Pourquoi l'innovation vient de plus en plus des pays du Sud
La
logique selon laquelle les pays du Nord auraient encore beaucoup de
leçons à donner à ceux du Sud est révolue. Désormais, "l'innovation
inversée" est à l'honneur.
Accorder
des petits prêts aux plus démunis, exclus du système bancaire, pour
leur permettre de développer une activité économique: le microcrédit a
été imaginé il y a plus de 30 ans par Muhammad Yunus, devenu depuis Prix Nobel de la paix.
La
logique selon laquelle les pays du Nord auraient encore beaucoup de
leçons à donner à ceux du Sud est révolue. Désormais, "l'innovation
inversée" est à l'honneur.
Accorder
des petits prêts aux plus démunis, exclus du système bancaire, pour
leur permettre de développer une activité économique: le microcrédit a
été imaginé il y a plus de 30 ans par Muhammad Yunus, devenu depuis Prix Nobel de la paix.
La
pièce "Qui a dit sida?" jouée par des femmes des Mureaux, en France. Le
théâtre comme moyen de sensibilisation au VIH, une idée venue du Sud
qui séduit les pays du Nord.
L'accès
aux nouvelles technologies a joué un rôle clé dans ce changement de
logique. En Haïti, la plupart des habitants n'ont pas l'electricité,
mais le pays peut se targuer d'avoir eu la 4G avant la
France. L'anthropologue rwandais Damien Rwegera s'amuse:"A Kigali, nous avons le wifi dans les gares. A Paris, c'est prévu, mais on l'attend encore!"
Pendant
longtemps, dit-il, il y a eu ce sentiment, dans les pays du Sud, que ce
qui était bon, compétent, venait du Nord. Certes, la vieille Europe est
encore écoutée, et ce notamment parce qu'elle continue de financer de
nombreux programmes via l'aide au développement et la francophonie. Mais
les choses ont changé. Et les pays du Nord doivent en prendre
conscience, "sous peine de passer pour des has-been", ironise Damien Rwegera.
Muhammad
Yunus en 2010. Le père du microcrédit peut avoir le sourire: cet outil
efficace de lutte contre la pauvreté (s'il est bien géré) est un succès.
Vingt-cinq millions de personnes dans le monde y ont eu recours, dont
90% de femmes. Crédit: Elodie Vialle Importé en France par
l’association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), le
microcrédit inspire aujourd'hui bien des projets sur le web, à l'instar
de Babyloan, qui vient de fêter ses 5 ans et propose aux internautes de
soutenir des petits entrepreneurs à l’international, mais aussi, et de
plus en plus, en France. Les pays du Sud inspirent le Nord dans le
domaine bancaire Aujourd’hui, la vieille Europe en crise s’intéresse à
ces services, initialement pensés pour des populations démunies, et qui
ont prouvé leur efficacité. C'est particulièrement le cas dans le
domaine bancaire, avec le "mobile banking", la banque sur téléphone
mobile. Le continent africain a dépassé les Etats-Unis et l’Europe en
nombre de téléphones mobiles. Au Kenya, on l’utilise pour payer ses
factures, faire du transfert d’argent à sa famille, régler les frais de
scolarité des enfants. En France, une initiative vient de se lancer dans
le même genre, "Compte-Nickel". Le principe: en 5 minutes, avec une
carte d’identité et un numéro de téléphone mobile, vous pouvez ouvrir un
compte. L’initiative s’appuie sur des agents répartis sur tout le
territoire, à savoir…les bureaux de tabac. Une nouvelle source de
revenus pour les buralistes Crise de la presse, montée du prix du tabac,
timbres fiscaux bientôt disponibles en ligne... Pour les buralistes, le
"Compte-Nickel" permettra de générer de nouveaux revenus, alors qu'ils
connaissent une baisse d'activité. Pour 20 euros, le détenteur du compte
obtient un relevé d'identité bancaire (RIB), ainsi que la possibilité
de retirer et déposer des espèces. Il reçoit des SMS pour être averti
lorsqu'il n'a plus assez d’argent pour faire un virement. Impossible
d'être dans le rouge: s'il n'a pas assez sur son compte, il ne peut pas
retirer d'argent. L'initiative est utile pour un public fragilisé, mais
peut intéresser tout le monde. Selon Hugues le Bret, le cofondateur qui a
auparavant dirigé Boursorama, un bon tiers des utilisateurs de
"Compte-Nickel" ont un revenu régulier et s’en servent comme compte
principal. Un autre tiers ont des revenus plus irréguliers et ont besoin
d'un RIB. Les autres clients font un usage particulier du compte. Ils
vivent, par exemple, en colocation ou concubinage et s’en servent pour
payer en commun la facture Internet ou le loyer. Sans oublier les
personnes âgées, qui se sentent plus rassurées chez le buraliste.
Business de la pauvreté Lancée mi-février dans 60 points de vente,
l'initiative est déjà un succès: entre 250 et 300 demandes de
"Compte-Nickel" sont recensées chaque jour. L'objectif des fondateurs du
projet, pour être rentables: obtenir 100.000 clients d’ici la fin de
l’année. Potentiellement, ils peuvent être bien plus nombreux: il y a
plus de 2 millions d’interdits bancaires en France. Si l'idée fait
penser à des initiatives similaires développées en Afrique, s'inspirer
du Sud ne marche pas forcément à tous les coups pour les entreprises. En
2012, Unilever a ainsi expliqué que l’Europe étant de plus en plus
pauvre, ils pensaient répliquer chez nous une idée imaginée dans des
pays asiatiques en développement: vendre du shampoing en sachets
individuels. Le principe? Réduire la taille des sachets pour s’adapter à
la baisse du pouvoir d’achat. Mais l’idée avait alors été mal
accueillie: les portions individuelles, jugées polluantes, reviennent
souvent plus cher… Innovation inversée Une chose est sûre: à l'heure où
les pauvres constituent un marché de plus en plus convoité par les
grands groupes, les pays du Sud sont devenus des laboratoires d’idées.
C'est l'innovation inversée: finie la logique Top/Down, désormais, les
pays du Sud inspirent ceux du Nord.
Bonne journée jpvcoolprod
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